Bouquiner un peu. [PV Yumi Takaya]

Je traînais au lit, ce matin-là. Nous étions mercredi, je ne travaillais pas et Kyû ne venait pas à la crèche aujourd'hui. Je n'avais donc aucune raison valable de me dépêcher et cela me plaisais bien. J'ouvris lentement mes yeux gris-verts et m'étira tel un chat dans mes draps en désordre tout en jetant un furtif coup d'oeil sur mon réveil. 10h30. Bah, autant se lever maintenant... Comme les lionnes, je n'étais pas du genre paresseuse même si rester un peu au lit ne me dérangeais pas le moins du monde, je m'en lassais rapidemment. Je bailla un bon coup et me leva adroitement. Je me dirigea vers la salle de bain d'un bon pas, retira ma nuisette en cours de route et entra dans la douche. L'eau glissa sur mon corps, me procurant un bien intense. À chaque fois que je me lavais, j'avais l'impression que l'eau nettoyait aussi ma tête et mes pensées. C'était sûrement pour cela que je prenais une douche le matin plutôt que le soir... Après ma douche, je me couvris d'un peignoir, enroula une serviette autour de ma tête et fila dans ma chambre. J'ouvris mon armoire et sortis un pantalon ample et classe ainsi qu'un chemisier blanc. Il était rare de me voir avec un pantalon mais aujourd'hui, je n'avais pas envie de porter une robe... Je m'habilla tranquilement, retourna dans la salle de bain et coiffa mes longs cheveux. Je n'aimais pas les attacher, j'appréciais tout particulièrement leur contact sur ma peau, pourquoi !? Allez savoir... Je ne me couvris pas, pris un bouquin puis sortis.

J'avais besoin de faire le vide dans ma tête, d'oublier la malédiction et l'interdiction formelle de rencontrer des garçons normaux. Bon, cela ne me concernais pas vraiment, la deuxième option, mais je ne préfèrais pas prendre de risque. Je n'avais pas envie de me retrouver face au chef de famille avec son air dur et froid. Je ne le portais pas vraiment dans mon coeur même si je savais qu'il faisait cela pour nous protèger, son attitude me tappais littéralement sur les nerfs. Bien sûr, je faisais bonne figure et lui donnais respect. En grommelant, je songea à quelque chose de plus distrayant, comme la petite Kyû en train de jouer au loup avec ses amies ou son air taquin à chaque fois qu'elle me préparait une blague... Je l'aimais cette enfant, s'il lui arrivait quelque chose, je ne m'en relèverais pas. C'était aussi pour cette raison que je gardais mon calme devant le chef. Je connaissais son attitude sadique et j'avais peur pour Kyû et mes deux amies, Hino et Kyoko. Je ne voulais pas les mettre en danger...

En soupirant, je continua ma marche et m'installa sur un banc. Je regarda un instant les demeures avant de reporter mon attention sur le livre que j'avais apporté. Un livre d'amour, bien sûr. J'étais une grande romantique, tout les membres de la famille le savait. Celui-là portait le nom de "Un lune de miel sous les tropiques..." voilà qui promettait d'être distrayant. Je lu le résumé et commença ma lecture sans plus me soucier du monde exterieur.

Le livre était passionnant, comme le titre me l'avait promis. Une histoire d'amour impossible transformée en mariage et en lune de miel. J'avais beau me dire que tout ceci n'arrivait que dans les livres et dans les films, j'avais beaucoup de mal à l'admettre. Comme mes cousins et mes cousines, une histoire d'amour était totalement impossible. À chaque fois que j'y pensais, j'avais l'impression qu'on me poignardait le coeur. Démoralisée, je ferma le livre et le posa à côté de moi. Quelle vie horrible ! L'envie de me transformer me pris mais je ne le fis pas lorsque j'apperçu ma cousine Yumi près d'un arbre. Elle aussi, elle lisait. Jamais je ne l'avais entendue parler, jamais elle ne s'imposait. Toujours discrète et silencieuse. Que se passait-il !? Je ne savais pas pourquoi mais mon intuition me disait qu'Aruji n'était pas innocent dans cette histoire... J'haussa les épaules. D'accord, je n'étais pas sa meilleure amie mais ce n'était pas une raison pour l'accuser à tord et à travers. Ravalant ma rancune, je me leva du banc tout en laissant mon livre - qui voudrait me le voler ? Dans le domaine en plus... - et me dirigea vers ma cousine. Elle se taisait bien pour une raison, non !?

- Bonjour Yumi, dis-je une fois accroupie face à elle.

Mes cheveux blonds retombaient délicatement sur l'herbe incrustée de rosée matinale mais cela ne me faisait ni chaud, ni froid. Je m'asseya à côté d'elle avec un grand sourire chaleureux. J'avais l'habitude de son silence mais j'aimais bien lui parler même si je ne le faisais que lorsque j'étais petite. Je regrettais de l'avoir délaissée...

- Il fait beau aujourd'hui, c'est idéal pour lire... commentais-je, espèrant avoir un hochement de tête.

Elle ne pouvait parler mais faire des gestes !? Le chef de famille pouvait bien lui autoriser cela, non !? Il fallait que j'aille le voir le plus rapidemment possible. Connaissant mon caractère, il valait mieux que j'évite d'y aller maintenant...

Je guetta un geste qui ne tarda pas à arriver. Yumi hocha la tête timidement, ce qui me fit chaud au coeur. Je lui souris chaleureusement et continua sur ma lancée :

- C'est dommage que tu ne parles pas, j'aimerais tellement entendre le son de ta voix...

Bon, je n'étais pas là pour l'enfoncer, ni pour la mettre mal à l'aise, au contraire, mais j'avais le coeur en miettes dès que je la voyais aussi craintive. On aurait dit un bébé renard éloigné de sa mère, seul dans la nature. Oui, Yumi était exactement cela. Je sortis de mes songes et reposa mon regard dans le sien.

- Si tu ne veux pas parler, ça ne fait rien, je ne t'en voudrais pas pour cela. Ta présence est apaisante, te parler me fait du bien... Je voudrais juste que tu fasses un geste pour me répondre, tu veux bien ?

Bien sûr, je ne lui poserais des questions dont les réponses seraient "oui" ou "non", sinon cela ne servait strictement à rien. J'attrappa distraitement une de mes mèches et la tourna dans tout les sens. Il fallait que je vois Aruji au plus vite. Rien qu'à penser à son attitude glacial et imposante, je grinça des dents. Il fallait que je me calme, cela ne servait à rien de s'énerver.

Je la regarda longuement, guettant un geste. Une lueur d'effroi traversa ses prunelles quand je me mis à parler. Elle jetait quelques coups d'oeils furtifs près de la demeure d'Aruji, ce qui confirma toutes mes craintes. Cela dit, elle était bien assez effrayée pour que je lui fasse endurer ma colère. Ravalant le goût amer qui emplissait ma bouche, je calma mes nerfs et souris de nouveau quoiqu'un peu crispée.

- Je vais demander la permission à Aruji pour que nous puissions nous parler, je te promet de le faire !

Oui, ce n'était pas une mauvaise idée mais il fallait que je réfléchisse à mes arguments et que je revoie ma manière de parler et de me contenir. J'étais comme une lionne, adorable de l'exterieur mais dangereuse et agressive de l'interieur. Il avait beau être notre chef, pour moi, ce titre valait autant qu'un autre et la seule raison pour laquelle je ne lui avais toujours pas sauté dessus, toutes griffes dehors, était que ses ordres étaient indiscutables et que cette attitude coûtterait cher à mon entourage. Grinçant des dents, je me ressaisis une nouvelle fois et tenta un nouveau sourire.

- J'ai envie de te connaître, Yumi.

Yumi prononça deux mots, deux mots que je pris soin d'écouter, émerveillée. On aurait dit le même jour où Kyû m'avait appelée "Maman", je devais sûrement avoir la même tête. Surprise et émerveillée. Oui, ces deux mots décrivaient l'expression que je transmettais.

- Oui ?

Je lui souris tendrement et pris délicatement ses mains. Elles étaient douces, agréables et tièdes malgrès le temps frais. J'en posa une sur ma joue tandis que je souriais de toutes mes dents. Elle ne pouvait me faire de plus beau cadeau. Si, parler tranquilement avec moi, mais ça, nous devions attendre. Je me battrais s'il le faut mais ma cousine me parlerais tranquilement, sans aucune crainte grâce à l'accord d'Aruji, je le promi intérieurement et je tenais toujours mes promesses, quoiqu'il m'en coûte. Je me repassa les deux mots de Yumi dans la tête et eû envie de réentendre sa voix douce et harmonieuse. Elle ne méritait pas ce silence imposé et je fulminais de plus en plus contre cette imbécile que je haïssais toujours un peu plus. Un jour, je le défierais, je le savais, je le sentais. Cette envie me brûlais, une phrase cinglante voulait franchir la barrière de mes lèvres dès que je le voyais mais je me contenais par je ne sais quel miracle...

[quel amour pour Aruji !! mdrr]

Je souris de nouveau, toujours un peu plus si bien que je finirais par avoir une crampe avant la fin de la matinée mais cela m'étais bien égal. Yumi me parlais et je ne comptais pas tout gâcher. Sentant sa gêne, je me contenta de garder ses mains dans les siennes et la retira de ma joue, le tout dans une extrême douceur. Elle me faisait aussi penser à une poupée de porcelaine. Belle mais terriblement fragile. Après son aveu, je sentais mon coeur bondir dans ma poitrine, en ce moment, plus rien ne comptait à par nous deux et les confidences que nous allions nous livrer.

- Pose-moi la question que tu veux, ce qui te passe par la tête, je t'y répondrais ! Je serais ravie de te donner des informations sur moi, nous avons tellement perdu de temps...

Je n'allais pas lui poser trop de questions pour le moment, préfèrant la mettre à l'aise et la laisser s'exprimer si elle le souhaitait.

- Ne t'en fais pas, tout ceci restera entre nous, je serais une vraie carpe !

Je fis mine de me coudre la bouche et de jeter la clé puis souris de nouveau. Nous avions autant de temps que nécessaire pour faire connaissance.

Je détestais voir ces petits yeux affolés, entendre cette voix tremblante et peu sûre d'elle et cette emprise l'écraisait de jours en jours... Je serra les poings mais souris tout de même en répliquant gentiment :

- Je vais voir Aruji de ce pas et j'aurais l'autorisation signée de sa main, pour que tu puisses me parler !

Sur ce, je lui fis un bisou sur la joue, me leva et lui fis la promesse de revenir très vite. Je pris mon livre au passage et rentra chez moi. Je plia une feuille de papier, le rangea dans ma poche et enfourna un stylo avec. Pour faire meilleure impression, je pris soin de me démêler encore les cheveux et de lisser soigneusement mes vêtements. Je n'étais pas vraiment d'humeur à faire des courbettes mais je savais garder mon sang-froid. Hélas, pour combien de temps... !? Je sortis de chez moi d'un pas décidé, fis un petit geste de la main à ma cousine et traversa la cour pour frapper énergiquement à la porte d'Aruji. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais un mauvais présentiment...

[désolé c'est court... tu fais venir Aruji ici ou on fait un autre sujet ?]

Lorsque j'entendis la voix glacial du chef de famille, je respira un bon coup pour me calmer et ouvris la porte avec un grand sourire - faux bien sûr.

- Bonjour, cher Aruji, je suis navrée de vous déranger en pleine réflexion mais j'ai une importante requête à vous soumettre...

Je ferma la porte derrière moi, fis danser mes cheveux dans mon dos et m'approcha de lui tout en gardant une distance convenable. La politesse et l'art de bien parler étaient mes deux principales qualités après la gentillesse et la générosité, bien sûr... Nous étions tout les deux hypocrites, nous feintions ensemble la joie dans nos sentiments à chaque visites et je me demandais toujours pourquoi nous ne pouvions pas hausser la voix tout les deux. A quoi bon nous mentir !? Enfin... peut être que dans son coeur de pierre, il m'appréciait un peu. Je ris jaune mentalement. Aruji n'aimait aucun d'entre nous à part ses fidèles et les jeunes gens qui lui rendaient souvent visite - ce qui n'était pas mon cas. J'attendis qu'il me propose de m'assoir ou de commencer à parler tout en lui souriant toujours aussi faussement. Cela dit, j'étais une redoutable actrice et ma joie manipulée pouvait passer pour de la vraie aux yeux de n'importe qui.

" Tiens tiens, Arkana. "

Souffla-t-il entre ses lèvres, glacial, il se retourna vers elle.
Il observa la jeune fille. Elle était assez belle, de long cheveux magnifiques également. Enfin, le chef n'avait d'yeux que pour une et une seule personne, mais cela lui plaisait d'avoir de belles personnes dans son entourage. Son sourire lui sciait à merveille, et cette joie intense l'agaçait quelque peu.

" Une requette me dis-tu? "

Dit-il. Son regard argenté se posa sur celui de la jeune fille.

" Installe-toi. "

Dit-il, désignant le canapé de son bureau.

" J'espère que ce n'est rien de fâcheux. "

Dit-il, glacial, l'observant intensément.

Sa façon de prononcer mon prénom me déplus fortement mais je ne laissa rien paraître. Je le laissa m'observer à sa guise, le sourire toujours aux lèvres, puis m'installa sur le canapé comme il me l'avait proposé.

- Merci, le remerciais-je poliment.

Je passa une main dans ma chevelure de sirène tout en le regardant. Je laissa un peu de temps s'écouler pour remettre les mots à leur place dans ma tête tout en virant tout ceux qui étaient grossiers, vulgaires et insultants. Pas la peine d'enclencher une dispute...

- Non, ce n'est pas fâcheux, enfin, tout dépends de la manière dont vous le prendrez, finis-je par répondre.

Je garda mes yeux encrés dans les siens sans sciller et cessa de sourire pour lâcher un soupir. Autant ne pas tourner autour du pot, surtout qu'Aruji n'est pas du genre très patient...

- Cela concerne Yumi. Pour une raison inexpliquée, elle a du mal à ouvrir la bouche et ne prononce jamais rien. Tout ce que j'ai réussit à tirer c'est "Je ne peux pas" et elle avait l'air effrayée d'avoir prononcé ces mots. Écoutez, je ne suis pas là pour mettre le bazar dans les relations mais, si cela a un quelconque lien avec vous, j'aimerais que vous lui donniez l'autorisation de me parler. A moi seule.

La feuille et le stylo dans ma poche arrière semblaient me peser alors que j'étais assise. Pour la première fois, je me sentis faible devant lui même si mes émotions ne le disaient pas, moi je savais la différence. C'était la première fois que je venais lui demander quelque chose et malgrès mon attitude rebelle, je faisais toujours preuve de diplomatie en la présence du Chef. Il ne pouvait donc pas me refuser une seule demande, si !?

Sa réponse négative me fit l'effet d'une gifle. Je serra les poings et me mordis la lèvre inférieure tellement fort que du sang coula dans ma bouche. J'avais envie de hurler, de le gifler aussi pour ces propos qu'il semblait apprécier. Il avait l'air d'un vautour autour d'une proie facile. Je n'étais pas une proie facile mais plutôt le prédateur. Je me leva du canapé avec une impulsion furieuse et le toisa en essayant de ne pas trop le fusiller du regard. J'étais loin, très loin d'être calme.

- C'est ma cousine !! J'ai envie de la connaître !! répliquais-je piquée au vif.

Ma colère était si forte que j'eû peur de me transformer. Il n'était qu'un humain, un stupide humain sans cervelle. Sous forme féline, je pourrais le tuer et personne, mis à part ma famille, ne se douterait que je serais la coupable. Je serra mes poings d'autant plus fort mais ne ressentis pas la douleur. Mon visage était fermé, colérique, ce qui était tout le contraire de ma voix contrôlée. Je souffla un peu et dessera les poings puis le regarda, peu amène.

- Et vous ? Qu'est-ce que cela changerais si je lui parlais ? finis-je par dire plus calmement, renvoyant sa question.

- Rien ? Vraiment ? répliquais-je en riant jaune.

Comment pouvais-je faire connaissance avec ma cousine alors que ma mère m'enfermait entre quatre murs et que, lorsqu'elle m'avait relâchée, vers mes 16 ans, je découvrais le monde !? Ce qu'il était drôle, lui. Ses paroles avaient beau tomber, elles ne me firent aucun effet. J'allais me battre, verbalement, bien sûr bien que physiquement, cela ne m'aurait pas dérangé... et je comptais gagner. Il pourrait bien me virer de son bureau, je reviendrais chaque jours à la charge. Il ne se débarasserait pas de moi aussi facilement. Je souris plus calmement et déclara ironiquement :

- Cela ne se reproduira plus ? Comment cela ? Vous comptez donner la mort à ma cousine pour la faire taire à jamais ? Ou bien avez-vous peur que je lui donne une mauvaise influence ? Ou alors est-ce par peur pure et simple ?

Ma dernière phrase claquait comme un fouet. Je jouais avec le feu et je jouais avec lui mais cela m'amusais. Il n'avait jamais connu ma véritable personnalité. A par la petite fille sage qui obéissait aux ordres, il ne me connaissait pas. Je pris une mèche de mes cheveux et la tortilla dans mes doigts tout en le défiant du regard. Il devait savoir jouer à ce jeu, à moins qu'il ne passait pour un dur mais qu'il n'avait rien dans la tête. Ça ne m'aurait pas étonné le moins du monde.

[ahh, je l'aime Aruji !! mdrr]